Lettre témoin : décès de mon frère de 63 ans suite à une méningite bactérienne (streptocoque pneumoniae) fulgurante.
Bonjour Docteur,
Suite à notre conversation téléphonique, je me documente sur le thème de la méningite bactérienne (streptocoque pneumoniae).
Suite à votre réponse : « oh vous savez Internet,… ! », « -…les vaccins ont été arrêtés,… », « …les vaccins ne couvrent pas toutes les souches. », « ..il n’aurait pas été protégé. »,…etc,…cela me pose une question d’éthique.
Sachez que s’il est vrai que le net contient une masse d’erreurs, je travaille pourtant dans un service de recherches et je suis en permanence sur le web dans des documents scientifiques et médicaux et que sur le web se trouve aussi une excellente documentation aussi bien à usage des médecins qu’à celui des patients.
Et que s’il est vrai que l’on aime employer les termes « éduquer » les patients, on se demande parfois ce qu’il en est « d’éduquer » les médecins et ce qu’il en est des « trous » présents dans la structure médicale entre les spécialistes et les généralistes où certains « trous » coûtent chers et parfois coutent la vie.
Effectivement, les vaccins ne couvrent pas toutes les souches mais couvrent pourtant une grande partie des microbes les plus courants et les plus dangereux. C’est vrai qu’il faut tenir compte de l’efficacité obtenue du vaccin et des effets secondaires (mais là, c’est tout comme n’importe quel autre médicament n’est-ce pas, pas plus). Et comme vous le voyez dans la documentation du web très complète jointe à ce courrier, les vaccins ont bien été remis à l’actualité du jour en 2011 et sont donc à nouveau pratiqués. Car devant une maladie aussi virulente et mortellement foudroyante, il vaut mieux un vaccin efficace à 80 ou 70% que pas de couverture du tout.
Et je suis stupéfiée que la documentation médicale scientifique préconise surtout la vaccination dans le cas de personnes à risque telle que les diabétiques et les patients à splénectomie. C’était justement le cas de mon frère.
Alors bien sûr le monde n’est pas parfait. Bien sûr, ce qui est arrivé est accidentel et on ne peut faire marche arrière. Mais quand je constate qu’il semble que vous médecin généraliste attribuiez si peu de valeur et d’efficacité aux vaccins et que vous ne fassiez que si peu confiance en cette médecine,…cela me pose un problème d’éthique que je n’arrive pas à débattre.
Surtout, qu’aux soins intensifs, le médecin de contact me dit bien qu’il existe une vaccination et que lui-même se fera vacciner à ce sujet. C’est vrai qu’aux urgences quand on voit mourir d’une méningite aussi foudroyante où l’on est pris de vitesse, on est face au problème et conscientisé. Je viens de demander à ce médecin de quel groupe appartient la bactérie concernée afin de voir si la vaccination n aurait pas pu couvrir mon frère et être d’une quelconque aide.
Mais il semble bien d’après les différents échos reçus (docu scientifique, milieux infirmiers, etc…) qu’il existe bel et bien des règles de prévention concernant les personnes à risque devant les microbes de la méningite et cela depuis de longues années.
C’est justement là qu’il semble qu’il y ait un « trou » entre les différents acteurs médicaux « Trou » veut dire pour moi une absence d’information ou de l’information qui ne passe pas et qui n’arrive pas au patient.
L’ablation de la rate de mon frère remonte à bien 30 ans mais ne saurait passer inaperçue vu la hernie volumineuse (de l’ancienne opération) présente au ventre comme vous le savez. De plus, avec des angines et sinusites à répétition dans une seule et même année calendrier, cela démontre bien une très mauvaise défense de l’organisme. Ici devrait entrer en jeu le rôle du généraliste dans une attitude de prévention : le patient opéré il y a longtemps a-t-il été bien informé sur les risques inhérents à cette opération et a-t-il été « éduqué » à dorénavant avoir une attitude de prévention rigoureuse et absolument nécessaire selon les derniers progrès de la science ?
Il y a 2 aspects :
a) Celui des vaccins (le médecin prend-il seul la décision de ne pas informer le patient ? Est-ce qu’il se substitue à lui dans ce choix d’utiliser oui ou non les vaccins ? De quel droit ?
b) Le deuxième aspect est encore plus important, c’est la connaissance de son propre cas et la possibilité de rectifier une masses d’éléments dans l’entourage de sa vie courante afin qu’il puisse être sauvé au cas où cette maladie le frappe. Par exemple, la connaissance des symptômes précis, la connaissance de la rapidité de cette maladie, de l’attitude de ne pas s’isoler lorsqu’on est malade, le fait de faire appel au médecin sans délai dès l’apparition de fièvre, prévenir les proches de le surveiller, pouvoir donner les informations claires et rapides aux gens qui le soignent, pouvoir choisir sa vaccination,….en clair pouvoir être conscient et faire de la prévention !
Tout ceci ne faisait pas partie du comportement de mon frère tout simplement par ignorance et non évaluation du danger potentiel encouru. C’est à peine croyable pour moi !
Alors donc, toute cette belle information scientifique, à quoi sert-elle si pas transmise ? Là aussi, le médecin généraliste prend-il la liberté de l’omettre car,…à quoi bon ?
Alors, mon frère était-il correctement informé ?
Comment se fait-il qu’il y ait eu un « trou » dans le fonctionnement médical depuis si longtemps pour lui ? Voilà que le débat sur l’éthique monte à la surface. Qui fait quoi ? Quel rapport le généraliste établit avec son patient ?
Les autorités aimeraient que l’on soit fidèle à son médecin généraliste. Mais à quoi cela sert-il si on constate que même fidèle depuis 30 ans à notre médecin, celui-ci ne cerne pas la situation, ne globalise pas les données et n’en tient pas compte pour actualiser le cas suivant les progrès médicaux du jour. Fidéliser le patient à son médecin ne rend pas le médecin plus efficace malheureusement mais le rend intérieurement laxiste.
Je me pose beaucoup de questions sur le rapport entre le médecin généraliste et son patient. Je viens d’aborder quelques points qui me travaillent bien évidemment suite aux évènements, vous me pardonnerez de soulager ma pensée et d’éprouver le besoin de vous le dire. Mais c’est aussi le contact avec les médecins le feedback des situations vécues !
Je me souviens du temps où nous habitions dans votre commune et où vous étiez donc notre généraliste. Je me souviens de votre salle d’attente toujours bondée de monde. Je me souviens de vos consultations correctes mais inconfortables car devant soi, vous, nerveux, impatient d’écouler la consultation le plus rapidement possible et inconsciemment stressant le patient et lui coupant la parole pour le devancer… Je me souviens donc principalement de n’avoir jamais été dans les conditions optimales pour décrire et développer ce pour quoi je venais car,…le temps pressait toujours. Pas le temps posé pour une bonne écoute,…ce qui fait que,…un jour, je ne suis plus venue. Mais peut-être avez-vous depuis amélioré votre contact ? Avez-vous pris le temps pour mon frère ? De l’informer (malgré lui si nécessaire) ?
En définitive, si le microbe est la cause première de la mortalité, les « trous » de la médecine ne doivent pas être en reste.. Les « trous » que l’éthique devrait rattraper et combler… A quoi bon sert notre médecin s’il ne peut être « prévenant » et ne peut diffuser et nous apprendre ce que nous ignorons. Mais pourtant, cela fait partie de ses obligations !
J’espère que vous généralistes puissiez un jour retrouver votre conscience de servir votre patient au mieux. N’avez-vous pas actuellement un dossier informatique personnel (même si ce n’est pas encore le dossier médicalisé officiel). N’avez-vous pas un « résumé » bref contenant les points incontournables à savoir sur chaque patient ? (diabète, plus de rate,…me semblent être des points plus que majeurs !).
Je ne comprends pas la non information qui s’est passée et la famille aurait dû aussi être au courant de ce danger majeur. C’est donc incompréhensible !
J’espère que ces quelques lignes vont servir à d’autres généralistes afin de rectifier la possibilité d’existence de « trous » dans la transmission des informations.
Je transmets donc pour exemple ce document à la FAMGB (http://famgb.be.refreshed.be Fédération des médecins généralistes de Bruxelles - famgb@famgb.be ) sans citer de nom. Ceci n’est qu’un exemple parmi sûrement une foule d’autres exemples du même genre.
Je transmets également ce document à toute la famille. En effet, nous venons de subir 3 semaines de souffrances auprès de mon frère dans le coma et avons pris tous ensemble la décision douloureuse de faire débrancher les appareils de survie. Nous avons vécu en symbiose totale les uns et les autres en nous soutenant dans ces jours d’extrême malheur, pleurant et reprenant notre contrôle l’instant suivant. Ainsi, cette lettre fait partie de cette formidable symbiose que nous vivons tous et chaque pensée de l’un fait partie de la pensée de l’autre. C’est ainsi que nous arrivons à nous soutenir et à montrer de l’unité dans notre famille ainsi soudée.
Avec mes remerciements à tous les médecins qui en prendrons lecture. En espérant que des actions puissent être prises afin de mieux prévenir l’inconcevable.